*Article écrit pour l'Association des cadres municipaux de Montréal, paru dans le journal J'encadre Montréal vol.14 #2 automne 2016
Au quotidien, l’éthique pourrait se définir comme l’ensemble des « lois non écrites » au sein d’une organisation. Ce concept va un peu plus loin que ce que l’on retrouve dans le manuel de l’employé, le code de déontologie ou les attentes signifiées. Il s’agit de toute action, décision, geste, intervention ou attitude qui se conforme à « la loi du milieu », c’est-à-dire aux règles non écrites qui régissent l’identification et l’appartenance à un groupe spécifique.
Ce sont évidemment les gestionnaires qui ont le plus d’influence sur le processus de transmission de l’éthique au travail. Ils sont les mieux placés pour encourager les comportements qui soutiennent l’atteinte des objectifs de l’organisation.
Le cas de Mattis
Mattis est Chef de division au Service d’architecture et d’urbanisme. Le 14 février, il demande à son adjointe administrative de se rendre au centre commercial à son retour du dîner, pour lui procurer une carte de la St-Valentin pour son épouse.
Pour Mattis, sa demande est tout à fait justifiable puisqu’il pourra avancer ses dossiers pendant ce temps et que son adjointe saura sûrement choisir une carte appropriée.
Et vous, que pensez-vous de cette situation ? Y voyez-vous un manquement à l’éthique ou plutôt un fait banal qui ne mérite pas qu’on s’y arrête?
La transmission de l’éthique
Lorsqu’un geste est dénoncé et réprimandé, on envoie le message qu’un tel geste est inacceptable. Si au contraire il est passé sous silence, cela indique qu’un tel geste n’est pas répréhensible. « Tout le monde le fait de toutes façons …». On peut donc reproduire ce geste sans craindre de se faire accuser d’avoir manqué à l’éthique…
Le gestionnaire doit donc agir comme un guide et un modèle pour clarifier et propager le sens de l’éthique au sein de son équipe. Aussi, il prendra soin de limiter le risque de dérapage à la source, par un recrutement serré où il accordera beaucoup d’importance aux valeurs du candidat, pour s’assurer qu’elles sont compatibles avec celles de l’organisation.
Évaluer le risque de dérapage
Au moment des entrevues d’embauche, il y aurait lieu de poser davantage de questions aux candidats pour évaluer dans quelle mesure leurs valeurs personnelles les prédisposent à intégrer rapidement les lois non écrites de l’organisation. Bien qu’on ne puisse pas éliminer totalement le risque de dérapage à l’éthique en cours d’emploi, on peut tout au moins tenter de le prévenir par une meilleure connaissance des candidats.
Transformons l’exemple de Mattis en mise en situation pour une entrevue de sélection :
«
Au moment du dîner, vous apercevez au centre commercial l’adjointe administrative de votre département. Elle est en train de choisir une carte de la St-Valentin pour l’épouse du patron, car celui-ci se dit trop débordé de travail pour s’en occuper lui-même. Que pensez-vous de cette situation?»
Voici quelques réponses que vous pourriez obtenir :
- « Ça me laisse indifférent car ça ne me concerne pas »
- « Je trouve ça normal puisque le patron doit gérer son temps en fonction des priorités »
- « Personnellement, si j’étais l’épouse du patron, je serais indignée d’apprendre qu’il n’a pas choisi lui-même ma carte de St-Valentin »
- « Je pense que si le patron est débordé de travail, son adjointe l’est probablement aussi. Alors il ne devrait pas lui demander de s’occuper de ça en plus »
- « Je pense que si le patron et son adjointe s’entendent bien, c’est le genre de service qui peut se demander, un peu comme on pourrait demander à un collègue de nous rapporter un café au retour de sa pause. Le problème, c’est si l’adjointe se sent obligée, qu’elle ne peut pas refuser »
Parmi ces réponses, laquelle s’approche le plus de la culture interne de votre organisation? Quelle attitude serait conforme à vos lois non écrites dans des circonstances de ce genre?
Maintenant, tentez d’imaginer la variété de réponses que vous pourriez obtenir de la part des candidats, dans les deux mises en situation suivantes :
1-
« Votre collègue du Service des parcs a l’intention d’arrondir ses fins de mois en récupérant le bois des vieilles tables à pique-nique qui sont mises au rancart. Il veut vendre le bois en priorité à ses collègues qui ont un foyer à la maison. Que pensez-vous de son projet? »
2-
« Vous participez à un tournoi de golf bénéfice, en compagnie du maire et de quelques conseillers municipaux. Pendant la soirée, le maire vous confie qu’il est insatisfait du rendement de la directrice des finances et qu’il pense même à exiger son départ. Comment réagiriez-vous à cette confidence? »
Par ses réponses, chacun des candidats vous fournira de précieuses indications sur les valeurs personnelles qui dictent sa conduite au quotidien. Ces valeurs sont-elles compatibles avec le sens de l’éthique de votre environnement de travail?
N’hésitez pas à inclure 3 ou 4 mises en situation bien ciblées dans vos plans d’entrevue. Évaluez le risque de dérapage à l’éthique au quotidien
avant l’embauche.
Savoir-vivre et professionnalisme
Les lois non écrites constituent votre guide de référence des bonnes manières. Elles servent d’indicateurs implicites pour déterminer si une action est acceptable ou inacceptable en fonction des spécificités de votre culture organisationnelle. C’est le savoir-vivre qui caractérise votre organisation, la charpente de ce qu’on appelle « agir avec professionnalisme ».
Si vous êtes tenu d’embaucher un candidat qui présente peu d’affinités avec les attitudes qui sont valorisées à l’interne, assurez-vous d’entretenir avec lui des communications suffisamment fréquentes, claires et convaincantes pour favoriser son adhésion le plus rapidement possible à votre sens de l’éthique au quotidien.
En tant que gestionnaire, c’est vous qui assurez la transmission de l’éthique au sein de votre équipe !
Journal J'encadre Montréal vol.14 #2, automne 2016